Association du patrimoine artistique asbl

Bénin 2016 : Atelier Africain du design 

Autour d’un fil

Pour cet atelier exceptionnel au mois d’août 2016 à Abomey, Martine Boucher a réuni douze tisserands et cinq experts pour les confronter à un fil. Il ne s’agissait pas de n’importe quel fil mais bien du fil qui permet aux tisserands de tisser.

Du design textile, plus que jamais à la fois loin et proche des traditions. Du textile qu’on explore par la matière, du coton noble filé à la main en provenance des champs de coton de Parakou ou de Lokossa teinté naturellement avec de l’indigo, de la mangue, du caïlcédrat, du honsukwékwé ou tout simplement du fil polyester auquel se sont mêlés des fils fait de sacs plastiques ou de ciment ou encore de bandes de K7 récupérées.


Du tissage fait à deux, quatre ou six mains, qui permet à chacun d’échanger les points de vue, d’expertiser, d’évoluer. Un tissage en marche vers de nouvelles créations, de nouveaux marchés.

C’est la confrontation d’artistes, designers ou artisans, qui fait la qualité de cet atelier.

C’est une nouvelle fois avec le soutien de Wallonie-Bruxelles International que nous avons pu réaliser ce projet devenu au cours des ans un vrai programme inscrit depuis 2012 aux accords bilatéraux Wallonie-Bruxelles / Bénin.

Avec

Bénédicte Henderick, artiste-plasticienne

Anne-Sophie Costenoble, photographe

Estelle Chatelin, designer textile

Vincent Baïlou-Beloua, designer

Boris Abas dit Prince Toffa, styliste

Atelier Tissage

L’échange culturel est pour Estelle Chatelin un partage mais aussi une façon de satisfaire les exotismes mutuels. Face à une tradition qu’elle admire et qui risque de s’étioler sous la pression des techniques occidentales, il fallait aussi satisfaire la curiosité des jeunes tisserands béninois pour le tissage industriel. Ils ont pu faire l’expérience de ses potentialités et de ses limites au cours de deux stages à la Cambre. Mais la réappropriation collective des éléments culturels et des techniques artisanales, la mise en valeur de leurs potentialités et de leurs spécificités dans un dialogue de créateur reste à ses yeux l’objectif majeur de ses séjours parmi les tisserands de la Cour royale d’Abomey.

Bénédicte Henderick ne voyage jamais en Afrique sans emmener dans son bagage mental ses figures tutélaires. Elle a fait créer par les tisserands béninois une toile qui rappelle nos cahiers d’écolier, avec des marges, qui évoquent nos cahiers de dictée et la page quadrillée qui prend la forme de la grille de nos cahiers de calcul. C’est sur cet espace, entre l’imaginaire littéraire et la rigueur du calcul ou de l’investigation des sciences humaines, qu’elle voudrait attirer ses complices africains dans ce qu’elle appelle un Opera Vodou sous l’inspiration de Luigi Nono, Beuys, Le Corbusier, Picabia, Duras, Artaud, Bataille, Lacan, Zweig, Pessoa…

Travailler deux semaines avec les tisserands d’Abomey sur un projet de créationaété une expérience inédite, très enrichissante et partagée mutuellement. Ce fut l’occasion d’approcher un nouveau médium à partir d’une proposition textile composée de toiles tissées, fils cousus et tissus appliqués. L’atelier de recherche et de création a favorisé les échanges de savoirs intellectuels et techniques. Les artisansm'ont fait découvrir les nombreuses possibilités du métier, également les contraintes à intégrer. Je pense, pour ma part, les avoir confrontés à de nouvelles exigences, en les invitant à questionner les enjeux du travail (son statut, la notion d’unicité liée à l’œuvre artistique) et en les invitant constamment à porter la réalisation avec une précision et une rigueur sur le plan esthétique mais également dans la dimension conceptuelle que la proposition sous-tend. Bénédicte Henderick (ABOMEY 2016 Atelier de recherche et création – AAD 1-14.08.2016)

Atelier photo

Anne-Sophie Costenoble a découvert la pratique photographique en voyageant, en participant à des workshops et en s'investissant dans divers collectifs. Elle entretient un rapport intuitif et sensoriel à la photographie. Son travail sera présenté à l'automne 2017 au Musée de la Photographie de Charleroi. C'est avec enthousiasme qu'elle a souhaité partagé son expérience et animer cet atelier d'été à Abomey. Elle connait l'Afrique grâce entre autre à sa participation à la biennale de Bamako au Mali en 2007 et a récemment réalisé un reportage pour la Chaîne de l’Espoir au Bénin.

L'idée du stage était d'amener les photographes à explorer de nouvelles approches et à favoriser une photographie intuitive. Rester au plus près de soi, penser l’instant choisi"et non technique. À chaque rencontre, un choix subjectif de photographies était réalisé, des liens apparaissaient et rapidement chacun a affiné sa démarche ou trouvé une nouvelle écriture photographique.

Sophie Négrier vit et travaille à Cotonou. Délaissant les contraintes qui lui avaient été enseignées jadis en France, elle s’est jetée malgré elle dans le bonheur d’une création libérée. En invitant sa fille à jouer avec du fil de coton encollé, elle a suscité chez elle une envie de danser qui a permis à la photographe de réaliser ces prises de vues. Une liberté qui a aidé à Sophie à se dégager elle aussi de l’étreinte à laquelle elle se contraignait auparavant pour mieux redécouvrir ses aspirations personnelles.

Warren Sarre est Burkinabais. Il est passionné depuis son plus jeune âge par l'image et a créé le Centre de la photographie à Ouagadougou. Il participe à de nombreux stages et c’est lors de la biennale de Bamako en 2007 qu’il croise le chemin d’Anne-Sophie Costenoble. Il a également organisé un stage au Burkina Fasso en partenariat avec l'atelier Contraste de Bruxelles et le photographe malien Malik Sidibé. Il s'est fait remarquer au niveau international avec son travail à propos des anciens combattants burkinabés incorporés aux troupes françaises et envoyés dans les guerres coloniales d’Indochine ou d’Algérie. Pour cet atelier, c’est avec passion et talent qu’il s’est plongé dans ce monde des tisserands et du vaudou propre à Abomey. Pour compléter sa galerie de portrait de tisserands, Warren a aussi installé sur la plage à Cotonou la «porte noire», symbole de la porte du «non-retour». Cette idée, il la doit à l’émotion suscitée par sa visite du Palais d’Abomey, aujourd’hui transformé en musée qui retrace l’histoire de l’esclavage. Sont venus poser sous cette porte, passage initiatique, non seulement les artistes en résidence, mais aussi les gens de la place petits et grands.

Audace Aziakou est un jeune photographe professionnel. Sa passion: le corps humain dont il décline tous les détails avec un art sobre et digne.

Totché est un artiste polyvalent (photographe, vidéaste, peintre et sculpteur) Lorsqu'il dessine, il compose tout simplement avec ce qu’il trouve dans son environnement immédiat : ses dessins sur le sable sont l’occasion de rencontre avec la matière, ces éléments de la nature qu’il suffit de ramasser, ainsi se crée le jeu avec les matières, à force de les mêler aux dessins, de les décliner en formes simples, ces formes finissent par évoquer des symboles plus graves, des formes cabalistiques, et ainsi Totché rejoint la symbolique vaudou.

Louis Oké-Agbo travaille à Porto Novo où il photographie les mariages, les enterrements et les événements de la vie quotidienne. Son travail personnel se concentre depuis quelques années sur la maladie mentale. Il anime des ateliers photos à l’hôpital psychiatrique de Cotonou. D’autre part il photographie les fous, les malades mentaux parcourant la ville : un homme nu marche dans la foule, le regard perdu ou noble. Durant l’atelier, fasciné par la personnalité de son confrère Warren Sare, et de ses capacités de comédien, Louis se focalise sur lui. Il en résulte ces images subtilement retravaillées : des portraits de Warren vêtu de pagnes réalisés par les tisserands, fondus dans les murs de la ville.

Brunyck Bonou est passionné par la photographie d’art et la photographie de rue. Il a un diplôme d’école de commerce de Paris en Marketing et Commerce International. Il arrive à la photo, un peu par hasard après qu’un ami lui aie offert un appareil photo compact. Très vite il senti le besoin d’aller plus loin. Il fréquente alors divers workshops et se documente sur internet. C’est en compagnie de ses amis photographes qu’il s’inscrit à cet atelier. Pour lui cet atelier a été un formidable moment d’échanges qui l’amène vers la construction d’un scénario autour d’une thématique. Pertinent par son regard, il remet en cause les motifs traditionnels généralement utilisés par les tisserands pour leur en proposer d’autres inspirés de l’environnement: architecture, artisanat, nature. D’où son travail très sobre, en noir et blanc.

Yanick Folly est un jeune photographe solitaire, particulièrement impliqué auprès des enfants et les populations défavorisées de son pays. De village en village, il a mis en scène ses rencontres en portant une attention particulière aux couleurs et matières. Il a saisi des regards, en particulier ceux des enfants, de très beaux moments de rencontres, d’arrêt sur l’image.

La porte © Warren Sarre, Deux tissrands © Louis Oké-Agbo, Feelings © Sophie Négrier, Trois tisserands © Warren Sarre, fragment d'un rideau de scène