Association du patrimoine artistique asbl

Martine Boucher / Peintures
Association du Patrimoine artistique - espace d'exposition
MINES DE RIEN
Mais d’où lui viennent cet aplomb, ce coup d’œil, ce rire, cette façon de prendre les choses? Martine a la conviction de devoir les fondements de sa façon d’être à une petite enfance passée en Afrique. Des souvenirs confus, mais très vifs d’images et de sensations qui lui reviennent souvent. Rien ni personne n’a réussi à effacer l’empreinte de cette prime enfance qui a guidé sa vie comme ses choix artistiques, et qui aujourd’hui traverse complètement sa peinture. Elle entreprend des études libératrices à la Cambre en peinture, elle suit également des cours de gravure à l’académie d’Ixelles. C’est là dans l’atelier de gravure que survient la rencontre décisive avec Sylvie Baucher, précurseur de ce grand courant du mobilier contemporain en Belgique, qui fut pour elle un mentor et une mère spirituelle.



A 24 ans, Martine Boucher ouvre sa propre galerie, «Théorèmes» et durant une vingtaine d’années, elle y montrera les nouvelles tendances de l’art et du design, créant l’événement à chaque vernissage. Ensuite, elle se lance dans l’organisation d’expositions internationales, défendant les jeunes designers belges à l’étranger ou les artistes africains en Europe. Car Martine entreprend tout avec une force et une conviction extraordinaires qui s’allient avec un jugement artistique très sûr. Elle est capable de remuer ciel et terre pour faire connaître les créations qui suscitent son adhésion. Elle vit sa propre vie comme un roman, qu’elle raconte d’ailleurs volontiers avec une émotion parfois bouleversante. Chez elle, le drame le dispute toujours à l’humour, à l’épique, aux coïncidences inouïes. Tout se passe avec une intensité extrême. Et voilà qu’elle retrouve le fil des créations qu’elle avait réalisées à la Cambre. Plusieurs veines d’inspiration courent parallèlement dans cette œuvre qui sait aussi ne pas se prendre trop au sérieux… Mines de rien.

Pierre Loze septembre 2010


MINES DE RIEN

Martine Boucher
propos recueillis par Dominique Vautier
septembre 2010

Un choix de couleurs restreint pour ne pas se perdre dans les couleurs. Une seule à côté d’une autre, ou trois ensemble, jamais davantage, pour qu’elles jouent de différentes façons. Faire vibrer la lumière par n’importe quel moyen.

Une opération après l’autre, retrouver cette démarche qui part du noir, comme les encres en gravure. Jouer avec les transparences, avec les superpositions de matières. Passer d’une matière à l’autre, d’un outil à l’autre - patine ou impression textile, tirer la peinture comme sur un mur - trouver un rythme, une modulation par la répétition des motifs, créer des surfaces différentes pour en explorer les limites.

J’ai travaillé autrefois la gravure comme de la peinture, à présent je peins comme si je gravais, mais surtout sans les contraintes, dans la liberté. Lorsque je travaille plusieurs idées se mettent en parallèle, mais tout tient dans une, tout doit s’enchaîner: matière, couleur et technique.

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Et les couleurs?
Le noir, c’est l’encre. Dès qu’on fait une trace, c’est en noir qu’on la fait. S’ajoute la couleur brique, la latérite africaine qui me rassure, la terre sur laquelle j’ai appris à marcher. Puis l’ocre, le sable. L’or, la lumière, l’alliance entre les noirs et les rouges. Enfin le bleu roy.

- Les titres ?
ès que j’ai commencé à peindre, j’ai cherché à fragmenter les choses, à les faire exploser. J’avais gardé dans ma mémoire ces noms magiques :
Shinkolobwé, Kilo-Moto, Golconda… Mon père m’a alors reparlé de son travail en Afrique, autour des barrages et des mines d’étain, d’uranium, de diamant. Au cours de mes recherches, je découvrais cette tristement célèbre mine belge de Shinkolobwé dont on a extrait l’uranium qui a servi à Hiroshima, ou encore celle de Kilo-Moto, l’or exploité par Moto Goldmines.

- Et où est Golconda ?
C’est la mine indienne dont on a extrait le célèbre Koh-i-noor.


De ce mélange de contraintes et de liberté ressort une impression de diversité étonnamment séductrice où se marient la rigueur de l’abstraction et une spontanéité pleine de fraîcheur, ponctuée parfois d’une audace surréaliste.