Collages, dessins d'humour ...et une installation d'Yves Bosquet
Je revenais tellement gavé de vent du large, de soleil, de fatigue et de détente que, même quand je réfléchissais, je n'arrivais pas à penser. Je ne pouvais que regretter, nostalgier. Je barrais ma machine à écrire, mais même dans les moments de force 9 de l'inspiration, je n'arrivais pas à retrouver les tendres paniques d'un simple coup de vent de force 5 dans le cul d'un dériveur léger.
(extrait de Vivre en survivant. Démission, Démerde, Dérive. 1977).
Comment évoquer Jacques Sternberg (1923-2006) à Trouville sinon en faisant partager sa passion de la mer? Nous avons donc choisi de leur donner à tous deux les rôles principaux: voguons sur elle avec les mots de Sternberg, découvrons-la caricaturée dans les dessins d’humour de ses amis ou encore contemplons-la dans ses aspects les plus surréels ou magnifiés à travers les collages de Sternberg.
Dominique Vautier
Basculades
Dans son Dictionnaire des idées revues (1985), Jacques Sternberg dit qu’en 1950 il s’était découvert deux « hobbies » en marge de sa « rage d’écrire » : collectionner les dessins d’humour, qu’il arrachait, précise-t-il, « à tous les magazines, de préférence américains », et faire des collages. Et il ajoute que les siens ne ressemblaient « pas du tout » à ceux de Max Ernst, «superbes, mais anecdotiques».
Les collages de Jacques Sternberg n’ont effectivement rien d’anecdotique : ils visualisent ses effrois, ses obsessions et, surtout, toutes les anomalies et toutes les « basculades » possibles et imaginables de notre monde – d’étonnantes, d’extraordinaires « géométries dans l’impossible ». Difficile de les regarder sans songer aux innombrables contes et aux romans qu’il a écrits, sans se dire que cet homme, décidément, n’a jamais rien fait comme ses semblables, et que c’est sans doute pour cette raison qu’il reste – merveilleux paradoxe – si proche de nous, de nos désirs les plus inavoués et de nos hantises les plus folles.