Association du patrimoine artistique asbl




exposition d'Annick Blavier
En décalage
Exposition d'Annick Blavier
vernissage jeudi 3 décembre 18.00 -21.00
04.12.2015 au 19.12. 2015
jeudi, vendredi et samedi de 14 à 18h
association du patrimoine artistique
7 rue Charles Hanssens - 1000 Bruxelles
info@associationdupatrimoineartistique.be - www.associationdupatrimoineartistique.be - www.annick-blavier.org
En décalage
Le temps passe, et nous n’apercevons plus que par la mémoire ce que nous avons vécu: les souvenirs défilent fugitifs et fragmentaires, comme des images vues de la fenêtre d’un train. Tout s’estompe dans une sorte de brouillard ou de vibration lumineuse; un parfum, le son d’une voix, un détail nous reviennent, et nous suffisent. Ainsi réécrivons-nous le roman de notre passé. Les sensations du quart de siècle ou du demi-siècle que nous avons traversé se condensent en images mentales instantanées. Par chance nous oublions: c’est souvent la nostalgie plutôt que le remords qui nous prend, un léger sourire et non le rire.
Tel est le processus fascinant de la mémoire où se mêlent les souvenirs et l’imaginaire, allégeant l’existence de son poids, tissant notre identité, et nous permettant d’aborder le présent sans trop d’appréhensions. Annick Blavier l’a parfaitement senti et le réveille en nous par des bribes d’images qui s’offrent volontiers en séquences, à travers lesquelles elle suggère le fleuve du temps dont parlait Héraclite, la nostalgie et la fragilité des choses. Aux fragments d’images déchirées, comme arrachées à l’oubli, elle joint souvent de petites phrases ou des mots en train de s’effacer qui ajoutent une étincelle verbale aux mouvements d’une remémoration poétique. Elle semble se passer dans le poudroiement lumineux d’un fond qui vibre comme pour nous rappeler que le monde est fait de poussières d’étoiles.
Et choisir le détail d’une photo, dans un journal, c’est aussi un engagement qui n’est jamais innocent...
Pierre Loze novembre 2015





PIERRE MOREAU
Association du Patrimoine artistique - espace d'exposition
ENTRE CIEL ET SABLE, solitude et foultitude
du 13 au 28 novembre 2016 - vernissage jeudi 12 novembre à partir de 18h. ouvert jeudi, vendredi et samedi de 14 à 18h. 7 rue Charles Hanssens à 1000 Bruxelles
Photographies
Pierre Moreau nous vient de la mode et de la publicité, mais cette fois le voilà libéré de toute contrainte, en roue libre, laissant cours à son inspiration, n'ayant à servir que son regard et sa sensibilité, en s'appuyant sur son extraordinaire expérience de la fabrication d'images. Jamais la distinction entre peinture et photographie ne nous a parue si ténue devant ces images si savamment composées, aux couleurs exquises, aux nuances si étudiées, qui recréent le rêve collectif face à la mer ou la nature. Ses vues de plages rejoignent et actualisent subtilement celles des hollandais du XVIIe, ou plus près de nous celles de Ensor ou Brusselmans. Mais les rites de la baignade, du plagisme ou du planchisme prennent, sous son regard, l'aspect de fêtes païennes antiques, d'allure pompéienne. Les forces de la nature y rendent toute leur puissance de fascination, leur précision, qui restitue jusqu'à la singularité de chacun dans la foule, remue notre propre relation à ce être collectif, par la maîtrise d'un processus d'identification que seule une longue expérience a pu maîtriser aussi subtilement. Mais cette fois, cet art n'a rien à nous faire désirer d'autre que la beauté et une joie de vivre dans ce monde qui ressort clairement de son art.
Pierre Loze





MAXILIAN
PEINTURES
exposition du 9 au 24 octobre 2015
Ses tableaux sont nés d'une longue fréquentation de la peinture, du plaisir de la regarder, de l'éblouissement devant un jaune chez Bonnard, de l'enchantement suscité par un rouge chez Manet, du choc émotionnel provoqué par la rencontre de deux couleurs chez Nicolas de Staël... Et cette façon de s'impliquer dans la peinture, de dévorer de yeux les couleurs, de vibrer aux sensations qu'elles procurent, ne pouvait que déboucher un jour sur le désir de s'acheter des pinceaux... Tel est le parcours et la formation de ce peintre, lecteur assidu des écrits théoriques de Kandinsky.
Inventeur de l'art abstrait, Kandinsky a ouvert un nouveau continent à la création. Et pourtant, il n'est pas certain que nous l'ayons exploré très loin dans la direction qu'il suggérait. Le style, la manière, l'écriture personnelle de ses successeurs sont venus bien vite caractériser et rendre reconnaissable à nos yeux un Hartung, un Wols, un Poliakoff, un Pollock. La recherche de la sensation, de l'abstraction et de la relation transcendante avec le monde, s'est ainsi brouillée devant celle de l'originalité, du jeu des identifications et de la reconnaissance des formalismes de chacun de ceux qui ont dessiné les lignes de faîte d'une histoire de l'art moderne.
Il y a dans la peinture de Maxilian, qui revisite obstinément les fondements de l'art abstrait, un effort pour rester en deçà du signe graphique, de l'écriture ou du style. Cette volonté est une mise en danger, il lui faut tenir sur ce fil qui est une brèche sur le vide, avant la forme, évitant toute cristallisation dans un signe, captant un élan qui reflète un moment de l'être, un jaillissement, un tourbillon, une énergie, expression d'une pure sensation physique ou morale, sans aucun référent. Mais il est toujours possible qu'à défaut de repères, d'adhésion et de partage de ce qu'il y a à voir, le non-sens vienne à l'esprit de qui regarde.
Sa peinture nait d'un besoin primaire, expression d'un élan vital, et ce geste pictural dans sa crudité est presque à l'art ce que le chant d'oiseau est à la musique, un appel à l'éveil, un cri dérangeant, incongru, qui perturbe le dormeur, un arrachement aux conventions qui font de l'existence une banalité et de l'art un jeu de signes bien codé. Il se pourrait que dans un demi-sommeil nous allions fermer la fenêtre...
En effet, dans ce type d'art, il ne dépend que du spectateur du tabeau qu'il se passe quelque chose en lui, lorsqu'il s'approche. L'exercice du regard n'est pas moins exigeant pour lui que pour le peintre au moment où il a réalisé le tableau. Le retour complice sur un moment d'inspiration, inscrit dans l'instant et figé sur la toile, est le véritable enjeu de cette peinture. Elle cherche à mener le spectateur, hors du temps, hors de tout lien matériel, idéologique ou même culturel, dans une sorte de vertige de liberté esthétique partagé. Par son attitude de détachement, elle s'apparente aux stèles romaines qui au bord du chemin s'adressaient aux vivants pour qu'ils leur prêtent un regard : elle dit sans affirmer, laisse apparaître à travers l'étendue des sensations possibles quelque chose qui peut nous unir, elle ouvre une voie qui laisse le temps en suspens dans la simple contemplation de l'existence et des énergies qui nous animent.
Pierre Loze - juillet 2015




Marie-Françoise Plissart, Philippe De Gobert et Gilbert Fastenaekens
ATELIERS, USINES & BUREAUX
Dans le cadre des Journées du Patrimoine en Région
Bruxelles-Capitale du 19 et 20 septembre 2015
Vernissage jeudi 10 septembre à partir de 18h30
Exposition du 11 septembre au 3 octobre 2015
Trois photographes aux prises avec la lumière, mais aussi avec des lieux dont on n'attendrait pas vraiment qu’ils les prennent pour sujet: espaces de travail, lieux industriels, usines, ateliers de fabrication d’objets, architectures construites à l’économie sans volonté de créer la beauté, mais qui dégagent souvent une poésie singulière. Depuis longtemps des bâtiments, délaissés au gré des mutations industrielles, ont été recolonisés par les artistes.
Il y a une quarantaine d’années, les jeunes compagnies de spectacle, fuyant les espaces consacrés, s’en sont emparés et en ont fait leurs lieux privilégiés d’expérimentation théâtrale. Les expositions d’art, minimalistes ou conceptuelles, ont elles aussi choisi de s’installer dans ces lieux alternatifs souvent très vastes et qui semblaient disponibles à l’invention en dehors des conventions artistiques. À travers ces réaffectations, ces lieux ont acquis une réputation de beauté architecturale qui ne leur était guère reconnue jusqu’alors. La ville a découvert ainsi ses ressources en espace en même temps qu’une partie importante de son patrimoine historique. L’archéologie industrielle est née de ce mouvement. Le lien s’est établi entre le passé industriel et la création contemporaine dans des espaces vierges de signes culturels qui semblaient s’ouvrir davantage à l’invention de la nouveauté et à l’expression d’une monumentalité différente de celle qu’exprimaient les générations précédentes. Une foule d’artistes se sont nourris de l’inspiration que leur suggéraient ces espaces bruts, sans expression de style, où régnait l’esprit des ingénieurs.
Marie-Françoise Plissart, Philippe De Gobert et Gilbert Fastenaekens témoignent chacun à leur manière de ce mouvement d’idées et de cette nouvelle sensibilité qui a porté leur art et nous offre un regard stimulant sur d’autres formes de beauté.
Pierre Loze



Françoise Fauconnier ROCK ART
Art rupestre du Sud-Est de la Bolivie
vernissage mercredi 10 juin à partir de 18 heures
exposition du 11 au 27 juin 2015
ouvert pendant Bruneaf
mercredi 10 juin : 15 à 21h. jeudi 11 juin : 11 à 20h.
vendredi 12 et samedi 13 juin : 11 à 19h. et dimanche 14 juin : 11 à 17h.
Ensuite horaire habituel : jeudi, vendredi et samedi : 14 à 18h.
Association du Patrimoine artistique - 7 rue Charles Hanssens - 1000 Bruxelles - 02 512 34 21
info@associationdupatrimoineartistique.be
Cette exposition est à la fois un hommage à une civilisation précolombienne disparue et à l’archéologue qui nous l’a fait connaître. Les relevés qu’on peut y voir concernent des sites découverts dans des déserts de roches des hauts plateaux boliviens, peuplés d’épineux et de cactus, perchés à des altitudes qui défient la résistance humaine. Ils traduisent avec une parfaite clarté les traces parfois presque disparues de gravures rupestres laissées par des hommes qui ont vécu là il y a plusieurs siècles. Avec une précision comparable à celles de partitions musicales, ils nous restituent l’espace-temps d’un autre monde lointain, en même temps que l’univers matériel et spirituel dans lequel se débattaient ces hommes. Nous voilà devant une culture préhistorique inconnue et fascinante, exprimant ses modes de vie et de subsistance, ses croyances, avec une incroyable puissance de suggestion. Quelque 800 roches inventoriées laissent deviner l’importance et la cohérence de cette culture, celle des Chichas sur laquelle on sait très peu de chose.




Martine Janta et Philippe Brodzki
Originalité, singularité, obstination : la carrière et l'œuvre de Philippe Brodzki se déroulent depuis quarante ans en dehors des grands mouvements qui balisent l'art contemporain, avec une continuité fascinante. Beaucoup de créations d'artistes actuels procèdent d'un contexte culturel et d'un système d'idées et de signes auxquels ils participent et qu'ils alimentent en même temps.
Rien de semblable avec les sculptures de Philippe Brodzki. Nous entrons dans un univers totalement personnel dont les références possibles ne peuvent se trouver que dans des époques vertigineusement lointaines de la nôtre: civilisation précolombienne ou chinoise, Sumer, Grèce archaïque, etc. Rien qui puisse nous rassurer dans un système de goût moderne et conforter l'image de la société d'aujourd’hui.
L'effet de choc et d'étrangeté de cet art, bien actuel, n'en est que plus puissant, nous faisant ouvrir de grands yeux innocents, créant parfois un sentiment d'inquiétude, voire de rejet au premier abord. C'est que l'expression charnelle de cet art et son discours sur le corps et l'animalité se trouvent, eux aussi, bien loin des représentations et des canons auxquels nous sommes accoutumés. Philippe Brodzki nous parle d'une autre beauté qui se nourrit des souvenirs des Kouros et Korè du VIe siècle grec avant J. C. Comme des allégories de nos désirs enfouis, ses cavaliers déboulent de steppes lointaines dont l'Europe a craint si longtemps les grandes invasions. Ses portraits évoquent des monarchies disparues, prêtes à renaître. Ses monstres animaux ont un parfum de mythologie orientale qui suggère des accouplements réservés aux dieux seuls. Et pourtant les guerriers ou les femmes nues, qui chevauchent si pudiquement leur monture, sont troublants de présence charnelle et de candeur. Et cette innocence, nous la retrouvons à tout instant, au gré d'un hasard, parmi les êtres qui nous entourent dans ce monde à peine plus rassurant qui est le nôtre. Cet art évoque une humanité éternelle et un monde sans âge, celui de la jeunesse et de la cruauté du désir...
Une longue complicité artistique lie Philippe Brodzki à Martine Janta qu'il a invitée à exposer à ses côtés. Avec cette même obstination, elle s'est attachée à des portraits d'animaux qui font un écho au bestiaire universel où nous emmène Philippe Brodzki.
Pierre Loze





Autour de l'impressionnisme
du vendredi 27 février au dimanche 22 mars
jeudi, vendredi et samedi de 14 à 18h
et dimanche 22 marsde 14 à 18h
Autour de l’impressionnisme est la troisième exposition que nous consacrons aux peintres impressionnistes belges. Elle présente une sélection d’œuvres réalisées entre 1886 et 1906 par Anna Boch, Emile Claus, Rodolphe De Saegher, Anna De Weert, Henri Evenepoel, Modeste Huys, Constantin Meunier, Jenny Montigny, George Morren, Isidore Verheyden, Guillaume Vogels, Rodolphe Wytsman et Juliette Wytsman.
Ces œuvres, inédites pour la plupart, proviennent exclusivement de collections privées belges. Elles nous permettent d’une part, d’avoir un regard plus approfondi sur cette période particulièrement féconde de l’art belge et d’autre part de mettre l’accent sur la spécificité de l’impressionnisme belge qui comporte deux branches: l’Impressionnisme dit « autochtone » dont G. Vogels est incontestablement le représentant le plus important et le Luminisme tel qu’il a été élaboré par Emile Claus et ses disciples.
Ainsi, Neige de Vogels, que nous présentons pour la première fois au public depuis 1888, est peut-être le tableau le plus significatif, non seulement au sein de son œuvre mais aussi de l’impressionnisme autochtone. Ce tableau fait la synthèse des recherches plastiques élaborées par l’artiste dans des œuvres majeures telles que Matinée pluvieuse à Ixelles et La neige, forêt de Soignes des Musées royaux des Beaux-arts. Ce n’est certainement pas un hasard si Vogels a choisi de présenter cette œuvre à la prestigieuse exposition du groupe des XX de 1888 consacrée justement cette année-là au thème « De la lumière dans la peinture ».
Quant à la toile Aux bords de la Lys d’Emile Claus, de l’ancienne collection Théo Hannon et datée de 1890, elle témoigne d’une nouvelle orientation dans la carrière de l’artiste : sa vision de plus en plus soutenue par un lyrisme de la lumière aboutit à une sorte de luminisme plein de verve et de poésie. C’est précisément cette période, point culminant de son œuvre, qui a séduit ses disciples tels qu’Anna de Weert, Jenny Montigny et Rodolphe de Saegher dont nous présentons également quelques œuvres.
Mais les comparaisons ne s’arrêtent pas là. Le moulin d’Isidore Verheyden vibrant de lumière et de tons clairs contraste avec Maison de campagne d’Anna Boch où les accords fondus de tons gris créent une atmosphère plus stable, plus solide, moins subordonnée au mouvement.
De Franz Binjé, disciple de Vogels, qui comme son maître compte parmi les peintres majeurs de l’école belge du XIXe siècle nous présentons Le toit rouge de l’ancienne collection Octave Maus. C’est une œuvre discrète, d’une luminosité féerique, irréelle, et de ce fait, presque inclassable.
Citons aussi quatre œuvres marquantes de l’exposition : Chemin sous la neige et Hiver de Guillaume Vogels, le premier acquis de l’artiste par l’éditeur Edmond Deman et le second par Edmond Picard. Un Nu intimiste de George Morren et une Hiercheuse de Constantin Meunier montrée pour la dernière fois à la rétrospective Meunier à Berlin en 1930.
Enfin une dizaine d’œuvres d'Henri Evenepoel « le peintre de la tendresse », comme l'a surnommé le cinéaste Paul Haesaerts (court métrage de 1970, 20 minutes, projeté dans nos murs à cette occasion) seront également à l’exposition.
Constantin Ekonomides
Pour toute information, contactez
Constantin Ekonomides 0471 295 327 ou Dominique Vautier 0484 655 779
Autour de l’impressionnisme
du vendredi 27 février au dimanche 22 mars 2015
ouvert les jeudis, vendres et samedis de 14 à 18h et le dimanche 22 mars aux mêmes heures
Association du patrimoine artistique
rue Charles Hanssens 7 - 1000 Bruxelles
tél. +32 [0]2 512 34 21
www.associationdupatrimoineartistique.be


RAPHAEL KETTANI et PIET LINNEBANK
du 16 janvier au 7 février 2015
à l'espace d'expostion de l'Association
du patrimoine artistique
7 rue Charles Hanssens -1000 Bruxelles +32 2 512 34 21
info@associationdupatrimoineartistique.be
ouvert jeudi-vendredi-samedi de 14.00 à 18.00.
D'où vient ce langage d'entrelacs qui surgit en marge des cahiers des écoliers, qui prolifère en graffiti ou en signatures personnelles sur les murs, et qui consent parfois à se poser plus ambitieusement sur un support classique?
De très loin. C'est celui des Celtes et même au-delà celui des nomades des steppes d'Eurasie. On le retrouve aussi chez les Indiens d'Amérique. Il ressurgit encore en marge des manuscrits des moines irlandais. Nous le portons en nous comme une mémoire inconsciente de nos sources indo-européennes, comme une nostalgie de nos origines nomades, comme une pulsion de liberté face à l'esprit sédentaire et rationnel. C'est une expression née avant l'écriture et qui ressurgit souvent lors de son apprentissage, se rebellant devant la contrainte mentale induite par la progression linéaire et disciplinée de l'écriture, car elle soumet du même coup la pensée à ses processus d'abstraction.
Sans vouloir citer de nom, un vaste courant de l'art moderne y a cherché sa voie.
Raphael Kettani : 22 ans. Après de belles et sages études secondaires, il tente une école d'art. Les professeurs ont immédiatement voulu lui enseigner les conventions de l'art dit contemporain et lui proposer un exercice à la manière de. "Ce que vous me montrez est très intéressant, mais je veux désormais peindre et m'exprimer à ma manière", leur a-t-il répondu. Depuis, il travaille seul et sans relâche, et vit de son art exposant ses œuvres partout où il le peut.
Nous avons été séduits par cette volonté de ne pas se laisser assujettir et saisis par la conviction qui émane de ses œuvres elles-mêmes. Dans le même langage, toutes sont très différentes et reflètent l'esprit multilatéral d'une jeunesse qui n'est pas disposée à s'aligner, qui vibre au gré des pulsions physiques de l'instant. Dans un langage presque abstrait, rythmique, impulsif, elles expriment la vigueur des sensations et cette avidité d'exister toutes voiles dressées face au monde, sans s'en laisser conter, et en même temps en émane une formidable énergie. Mettre l'une de ces œuvres chez soi, l'emporter pour la regarder chaque jour, c'est une façon de se souvenir que nous portons chacun en nous la jeunesse du monde.
Face à l'académisme de l'art dit contemporain, à l'action de ses enseignants, de ses comités, ses jurys, commissaires, curators, conservateurs, investisseurs qui le contrôle implacablement, il nous semble urgent d'encourager l'existence d'une sorte d'amicale libertaire. Nous exposerons donc aussi au voisinage des œuvres de Raphael Kettani, celles de Piet Linnebank de trente ans son aîné. Ces deux artistes se sont immédiatement reconnus comme complices.
Pierre Loze





RAINER TAPPESER Songes de l'étendue
Rainer Tappeser a grandi dans une ville allemande en ruine et se souvient encore de son bonheur d'enfant de vivre dans un monde en reconstruction, où tout semblait possible. Il s'est formé ensuite dans les années 60 à Berlin ouest, dans cette ambiance si particulière d'une ville qui portait avec elle un idéal de liberté et un espoir de réunification. C'était entre 1962 et 1969, ces années où, aux États-Unis, l'art abstrait américain rencontrait ses limites, croisant sur sa route le coup du hasard, l'assemblage d'objets, ces années désinvoltes où naissait le Pop Art et le second degré, l'ironie, le clin d'œil au spectateur.
Il fallait peut-être l'ambiance et l'état d'esprit de cette ville si engagée pour garder cette conviction de plasticien, cette certitude que le langage de la forme et la recherche rigoureuse dans ce domaine ont toujours quelque chose à dire. Rainer Tappeser s'est engagé dans une voie qui prolonge celle qu'avait ouvert le Bauhaus, et a réalisé une œuvre de peintre, de dessinateur, de sculpteur d'une densité et d'une ouverture exceptionnelle. Il a présenté sa première exposition personnelle à Berlin en 1969. Dans les années 70 et 80, alors que l'art contemporain s'orientait vers un art basé sur des fondements conceptuels, spéculatifs, supporté par des installations, de l'imagerie, des références, il a maintenu ce cap, celui d'une expression en relation étroite avec la perception et la sensation, exprimée à travers des valeurs purement plastiques, considérées comme un langage en soi.





JACQUES STERNBERG
Jacques Sternberg (1923-2006)
Ses collages et les dessins d’humour noir de ses amis
commissaire : Dominique Vautier
du 2 octobre au 1er novembre 2014
à l'espace d'exposition de l'ASSOCIATION DU PATRIMOINE ARTISTIQUE
Parti de rien, je ne suis arrivé nulle part, écrivait Jacques Sternberg. Né à Anvers, attiré par Paris à vingt-cinq ans, il s’y est battu pour faire publier ses premiers romans, y a finalement vécu toute sa vie et y a mené une carrière d’écrivain.
Auteur de contes brefs, de romans et journaliste, Sternberg est moins connu pour ses photomontages et collages. Quand il était jeune, les albums de gravures qu’il feuilletait, le faisait rêver. Après la guerre, ayant traversé les atrocités de celle-ci, découper ces vieilles estampes ne représentait plus à ses yeux un sacrilège. Il s’y est prêté avec d’autant plus de volupté que ce travail lui permettait de créer ces rencontres de rêve ou de cauchemar qu’il n’a eu de cesse de suggérer dans ses écrits. Ce sont ces collages, appartenant à une collection privée belge, que nous exposons. Réalisés à partir de gravures du XIXe découpées, dont les éléments sont juxtaposés et collés, ces créations nous emportent dans un monde irréel, poétique et absurde, où les hommes et les femmes sont absorbés par des tâches individuelles ou collectives dans des lieux décalés. Qu’il s’agisse d’une forêt tropicale, d’une mer déchaînée ou même d’un environnement urbain imaginaire, ces compositions sont troublantes par leur constante note d’insolite. Parfois, le simple fait d’introduire des éléments à des échelles totalement différentes suffit à produire cet effet d’inattendu.
Une autre partie de l’exposition témoigne de l’intérêt de Sternberg pour les dessins d’humour noir et des nombreux articles qu’il leur a consacrés. Après avoir découvert les dessinateurs d’humour anglo-saxons tels que Ronald Searle (1920-2011), Virgil Partch (1916-84), Saul Steinberg (1914-99), Charles Addams (1912-88)… publiés dans The New Yorker, Sternberg s’est tout naturellement tourné vers leurs homologues français ou étrangers venus comme lui pour être édité à Paris. Tandis qu’il écrit dans différents journaux et revues tels que Plexus, Arts, France Observateur, L'Express, Le Magazine Littéraire, France-Soir et Hara-Kiri, Sternberg introduit les dessins d’humour de ses amis dans ses articles. Il collabore activement aux nombreux volumes d’anthologies Chefs-d’œuvres de Planète sélectionnant textes et illustrations de 1964 à 1970. On lui doit les Chefs-d’œuvres de l’érotisme et du sourire (1964), du crime (1965), de l’amour sensuel et du rire (1966), du fantastique, de la bande dessinée (1967), du dessin d’humour et de notre enfance (1968), de l’épouvante, de la méchanceté et du rêve(1969), de la science-fiction et de l'humour noir (1970). Pour plusieurs de ces dessinateurs, Sternberg fut le premier à remarquer leur talent, à les encourager et à faire leur biographie sous forme de portrait. Il rédigera aussi les introductions de leurs publications personnelles et introduira certains d'entre eux dans le milieu artistique parisien, comme ce fut notamment le cas pour Roland Topor.
Nous avons, par bonheur, retrouvé dans le bureau de Jacques Sternberg un carton réunissant un grand nombre de dessins originaux d’artistes français et étrangers. En les rassemblant par thème et en les faisant dialoguer avec des extraits de textes de Sternberg, nous plongeons dans l’humeur et l’humour de l’auteur. Témoignage inattendu d’une époque, d’une France des années 60-70, dont on se prend aujourd’hui à regretter l’esprit décapant. Échos du goût de Sternberg pour l’absurde, son dégoût de l’humain, son refus de la société moderne, de horreur de la guerre et des absurdités qu’elle entraîne, sa sempiternelle peur de la mort mais aussi son éternelle passion de la femme…
Parmi les biographies de ces dessinateurs oubliés ou illustres, nous en avons réuni quelques-unes accompagnées de quelques dessins d’humour noir, absurde ou grinçant. A côté des plus connus tels que Maurice Henry, Testu Chaval, Mose, Jean Gourmelin, Bosc, Siné, Fred, Sempé, Wolinski, Folon , Reiser, Topor, Copi, Tomi Ungerer, Desclozeaux et Picha, on redécouvrira quantité d’autres dessinateurs tels que Richard Aeschlimann, Agnese, Allary, Arroyo, Baptiste, Beck, Blachon, Bonnot, Richard Cerf, Cohen, Colos, Coureuil, Bernard Cretin, Culot, f. de Constantin, Doh, Michel Douay, Ekler, Esspé, Favard, Fliar, Flora, Jean Fournier, André François, Garrance, Jacq O., Joël, Roland Kat, Khanh, Lakaz, Jean-Luc Lardelli, Jean Lauthe, Laville, Pierre Le Colas, Jean Margat, Mignard, Miot, Molines, Bernard Moro, Nitka, Jacques Noël, Otero, Patlan, Philippe, Prad, Puig Rosado, Pym, Ribot, Solo, Toupet, Trez, Vasco, Vip, Vitold, Wantz, Wiot, Hans Wühr, Ylipe, Zim…
Lors de la présente exposition, plusieurs interviews de Sternberg et le film Je t’aime, je t’aime (1968) de Resnais, dont il fut le scénariste, seront montrés.
Dominique Vautier
Avec la complicité des librairies Tropismes, Passaporta, Cook and Book, Filigranes, Quartiers Latins, Libris et A livre ouvert.