Association du patrimoine artistique asbl




3e exposition à Uccle
DEDANS-DEHORS
Josias Delcourt, poète et photographe
Véronique Bogaert, céramiste
159 rue de Percke 1180 Bruxelles
Du samedi 13 septembre au dimanche 5 octobre 2025
ouvert tous les samedis et dimanches de 11 à 13 et de 16 à 19 heures
Josias Delcourt
Exposition de ses photographies et présentation de ses recueils de textes poétiques
Je ne connaissais pas Josias Delcourt. Je l'ai vu entrer chez moi à l'occasion d'une ouverture de notre maison à une exposition de deux amis artistes, l'un peintre, l'autre sculpteur, assortie de la présentation de notre livre sur Linkebeek. Nous avons vu ce jour-là passer bien du monde, mais l'intense présence silencieuse de ce jeune homme m'a frappé, à peine avait-il franchi le seuil.
J'ai immédiatement ressenti son attention aigue au lieu et aux êtres. Il m'a dit son nom, je lui ai demandé où il habitait dans la commune, puis ce qu'il faisait dans la vie:
- Je travaille dans un magasin... et j'écris... de la poésie surtout.
J'en étais sûr ! Cette façon de pénétrer dans la pièce, comme un chat, cette manière d'être là, à la fois si discrète et si intense. Nous avons parlé, et me souvenant combien à son âge j'étais impatient d'écrire, de m'illustrer par la plume, je l'ai félicité d'être poète, d'aborder cet art si difficile, l'encourageant à persévérer sans jamais désespérer. Je n'avais encore rien lu de lui, mais j'ai deviné son être et senti luire un diamant en lui. Je lui ai remis un petit écrit personnel, un des rares que j'ai publié, un peu différent de ma vaste production de journaliste et d'historien de l'art. Il est revenu le lendemain me déposer deux de ses recueils dont l'un où ses textes sont accompagnés par ses photos.
Éblouissant.
Je crains de paraphraser cette façon de creuser les mots, d'y souffler comme dans une flûte pour en sortir des sens, qui les rafraîchissent, surprennent et enchantent. J'aime aussi chez lui l'hésitation qui tremble d'abîmer ce qu'elle décrit, et de laisser fuir ce qu'elle a senti, qui est aussi l'expression de la conscience de la fragilité de l'instant où la beauté des choses se révèle.
Bref, nous avons décidé, Dominique et moi, de l'inviter à exposer ses photos chez nous et de contribuer à diffuser ses écrits, et qu'au murmure du ruisseau qui borde notre jardin, s'ajoute cette fois pour les visiteurs celui d'un poète talentueux.
Si je dis éblouissant, c'est que l'on n’arrive pas à tout prendre d'un coup dans ces flashs verbaux, à tout saisir de ces courts-circuits de sens qui font éclater des petits éclairs où s'ouvrent une respiration, un souffle ou une espérance et qui se heurtent à la pudeur. A-t-on le droit d'attendre autant de la simple existence ? Le sentiment que les mots communs ne peuvent pas tout dire habite cette recherche d'en dire plus, cette volonté de dépasser les limites du langage, de bâtir d'autres équivoques, qui déverrouillent la pensée et l'existence même et la laissent quelques instants flotter ailleurs.
Pierre Loze
Véronique Bogaert
Au même moment, au jardin, nous montrerons les grands vases de Véronique Bogaert, céramiste formée au Japon. Elle a appris son art chez un maître potier à Kasama, important centre de céramique au nord de Tokyo, et elle a ensuite vécu vingt ans dans ce pays. À présent, elle enseigne à son tour cet art dans son atelier à Wezembeek.
Dans les grands vases qu'elle crée, le décor et la matière ne font qu'un, l'esprit s'y glisse dans la substance et s'apaise de n'avoir plus qu'à regarder et à suspendre le cours de ses pensées. Née sous la flamme, une allégorie de la vie et de l'énergie s'offre à la vue. Rondeur ou élancement, envie d'y poser la main, un art qui convoque d'abord les sensations, et fait naître une contemplation silencieuse.
Véronique Bogaert fait aussi de la vaisselle : plats, assiettes, bols, tasses qui mêlent la beauté à l'utilité quotidienne. Nous les présenterons dans une prochaine exposition, aux alentours de Noël, et à cette occasion, nous évoquerons le rôle de ces objets qui enchantent la vie de tous les jours et parfois même jalonnent l'existence.
PREMIÈRES IMPRESSIONS
Josias Delcourt
On prend le premier sentier venu.
On le suit, sans réellement savoir où il nous mènera.
On traverse des champs, des bosquets, des prairies, des vallons gonflés par la pluie.
On s’enfonce dans le brouillard, on longe le ruisseau, on devine le relief ondu- ler devant notre regard, on se faufile entre les haies, les jardins, les petites rues pavées.
On entend ronronner le temps, s’ébrouer les oiseaux, murmurer un silence fait de vent et de lointaines respirations.
Et les saisons passent. Les lumières s’égarent aux creux des racines, dans le blanc des nuages, sur la peau granuleuse d’une vaste étendue de blé.
On tourne, on y retourne. On tricote nos vies avec la laine filée du quotidien, de ces pas imprimés sur la mousse des chemins, avec ces instants figés par la brume solaire que badigeonne le matin.
On y revient, encore, comme aux premiers jours, avec cette impression d’ail- leurs, d’autre part, d’enclave discrète postée en éclaireuse sur les contreforts d’un royaume immense.
Et les empreintes que cela laisse sur nos éclats de rétines, les sourires qu’on dé- verse du haut de nos visages, les chuchotements qu’on traverse parfois au clair de lune.
C’est tout cela, et puis le reste. Ce qu’on oublie de mentionner, de regarder, d’entendre, de goûter délicatement, en sirotant l’air du bout du nez.
Quelques mois passés à tourner en rond. Quelques mois passés à courir après la lumière, à marcher contre le vent, à se perdre dans le brouillard.
En voici quelques traces. Mes premières impressions.