Association du patrimoine artistique asbl
Françoise Fauconnier ROCK ART
Art rupestre du Sud-Est de la Bolivie
vernissage mercredi 10 juin à partir de 18 heures
exposition du 11 au 27 juin 2015
ouvert pendant Bruneaf
mercredi 10 juin : 15 à 21h. jeudi 11 juin : 11 à 20h.
vendredi 12 et samedi 13 juin : 11 à 19h. et dimanche 14 juin : 11 à 17h.
Ensuite horaire habituel : jeudi, vendredi et samedi : 14 à 18h.
Association du Patrimoine artistique - 7 rue Charles Hanssens - 1000 Bruxelles - 02 512 34 21
info@associationdupatrimoineartistique.be
Cette exposition est à la fois un hommage à une civilisation précolombienne disparue et à l’archéologue qui nous l’a fait connaître. Les relevés qu’on peut y voir concernent des sites découverts dans des déserts de roches des hauts plateaux boliviens, peuplés d’épineux et de cactus, perchés à des altitudes qui défient la résistance humaine. Ils traduisent avec une parfaite clarté les traces parfois presque disparues de gravures rupestres laissées par des hommes qui ont vécu là il y a plusieurs siècles. Avec une précision comparable à celles de partitions musicales, ils nous restituent l’espace-temps d’un autre monde lointain, en même temps que l’univers matériel et spirituel dans lequel se débattaient ces hommes. Nous voilà devant une culture préhistorique inconnue et fascinante, exprimant ses modes de vie et de subsistance, ses croyances, avec une incroyable puissance de suggestion. Quelque 800 roches inventoriées laissent deviner l’importance et la cohérence de cette culture, celle des Chichas sur laquelle on sait très peu de chose.
À côté des grandes nations qui disposent de crédits importants pour entreprendre des chantiers de fouilles, la Belgique est un parent pauvre. Il est tout à l’honneur de Françoise Fauconnier d’avoir su, à partir d’une première expérience au Mexique, orienter sa carrière vers un type d’archéologie «légère» nécessitant peu de fonds, tourné vers l’analyse de sites rupestres. Cette activité, qui l’occupe depuis trente ans, est d’autant plus importante pour l’archéologie sud-américaine que ce domaine, d’une richesse extraordinaire, reste aussi méconnu que peu convoité par les archéologues. Il faut dire que les conditions de réalisation de ces missions, d’un inconfort sans égal, ressemblent très peu à l’image de la vie d’archéologue imaginée par les films hollywoodiens à succès. L’aventure, souvent rude, n’en est pas moins passionnante. Et ses résultats révèlent un art qui fait pâlir bien des réalisations de l’art moderne ou contemporain.
Pierre Loze
voir le site de Christian De Brulle :
http://dailyscience.be/2015/06/12/neuf-siecles-dhistoire-andine-graves-dans-la-pierre/
ainsi que le site très actif également de Muriel de Crayencour:
http://mu-inthecity.com/2015/06/hommage-a-une-civilisation-precolombienne/
Lorsque nous avons vu pour la première fois ces relevés précis de dessins gravés sur les pierres de Bolivie, nous avons été séduits : il fallait trouver une manière de les faire découvrir au public, une façon différente de l’habituel et sec rapport de fouille archéologique édité dans une revue scientifique à diffusion limitée aux arcanes universitaires et muséales ! Ces relevés réalisés avec toute l’attention d’une archéologue professionnelle, Françoise Fauconnier, sont fascinants. Retranscrits à l’encre noire sur le papier blanc, ils deviennent considérablement plus lisibles, révèlent leur beauté et conduisent à s’interroger sur leur signification.
Pour arriver à restituer cette étonnante imbrication de personnages, d’animaux et d’objets mystérieux, Françoise Fauconnier a mené un travail d’investigation avec une ténacité hors du commun. Quelques 800 parois gravées et 17 abris comportant des peintures ont été répertoriés et photographiés. La dimension moyenne des surfaces ornées est de 2 mètres, mais peut aller jusque 12 mètres (incongru à cet endroit). Les relevés graphiques ont ensuite été réalisés à partir de ces photographies. Ceux-ci sont d’autant plus utiles que nombre de ces œuvres sont aujourd’hui menacées par des actes de vandalisme ou des phénomènes de destruction naturels : dans certains cas, la peau de la roche en vient à tomber sous l’effet de la friabilité de la pierre qui souffre en particulier du gel.
Plus que les calques effectués sur place, la photographie s’est avérée un outil utile, permettant d’économiser un temps précieux. En jouant sur les contrastes, grâce à l’usage de programmes informatiques adaptés, elle laisse entrevoir des détails qui ne sont pas toujours visibles à l’œil nu ou qui n’apparaissent que sous un éclairage rasant.
Ces milliers de photographies, rassemblées telles un puzzle pour les plus grandes gravures, doivent souvent être redressées car la roche n’est jamais plane évidemment. Plusieurs angles de vue ont donc été réalisés sur place. Chaque photo est ensuite étudiée, observée avec la plus grande minutie pour permettre la retranscription de chaque graphème dans ses détails. En général, pour les besoins des publications, on se contente d’une échelle réduite. Mais dans le cadre de la présente exposition, certains d’entre eux ont été reproduits à leurs dimensions d’origine et même agrandis ce qui les rend d’autant plus spectaculaires. Le fait de les transcrire à l’encre noire les rend plus compréhensibles. En effet sur la roche, les contrastes de couleur ne sont pas évidents. La plupart des graphèmes, à moins qu’ils ne soient peints, sont réalisés par grattage ou par piquetage de la pierre. Ils sont dès lors ton sur ton, légèrement plus clairs que le fond. Pour peu que la roche ait souffert de l’érosion, certains motifs sont à peine lisibles. L’identification est un constant et réel souci. Le degré d’irrégularité des bords varie en fonction du type de roche et de la technique utilisée. Le piquetage peut être continu ou discontinu. Dans certains cas de superpositions de motifs, le rendu avec des pointillés ou des couleurs différentes permet de restituer les couches successives d’intervention en même temps que la clarté de l’image. Par comparaison, on peut ainsi arriver à reconstituer toute une peinture, en définir les motifs récurrents, comprendre la signification de certains traits de prime abord non identifiables, telle est l’étude à laquelle Françoise se consacre. Le résultat est là, parlant de lui-même : tout simplement fascinant !
Les prémisses
Engagée pendant plusieurs années (1981-1987) à travailler pour la Mission archéologique belge au Mexique (Projet : Sierra del Nayar, Jalisco), Françoise découvre sur le terrain les rigueurs et les bonheurs mêlés de cette profession. Pendant ces séjours annuels de huit mois consécutifs, la vie des chercheurs s’associe à celles des ouvriers locaux qui aident au déblayement du site (Cerro del Huistle). La semaine est consacrée aux fouilles, le week-end à la détente et à la prospection. C’est ainsi que l’équipe découvre un remarquable ensemble de gravures rupestres aux confluents de deux rivières (Las Adjuntas). Françoise s’en voit confier l’étude et, accompagnée du photographe Pierre Buch, elle en réalise les premiers relevés. De 2003 à 2006, elle poursuit l’étude des sites rupestres de la région à l’instigation des Musées royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles.
Un travail d’ampleur en Bolivie
Connue pour ses compétences dans le domaine de l’art rupestre, Françoise est mise en contact par les Musées royaux d’Art et d’Histoire avec un archéologue belge résidant en Bolivie, Philippe Delcourt. Ensemble, ils se fixent une zone d’étude bien précise : la vallée du Rio San Juan del Oro. Une bande de territoire de 120 km de long, au sud-est du pays, répartie sur les états de Chuquisaca, Tarija et Potosi à la frontière de l’Argentine. Cette région est située à 2.500 m d’altitude avec des sommets sur les versants allant jusqu’à 3.000, voir 3.200 m. Les déplacements n’y sont pas faciles, le corps doit s’adapter. Par contre, ce type d’archéologie présente un grand avantage. Elle est en effet beaucoup moins coûteuse que des fouilles. Une petite équipe suffit grâce au fait que ces dessins sont visibles sur les parois rocheuses à l’air libre et que la recherche ne comporte pas d’excavations. La prospection s’est basée sur une enquête auprès des villageois et s’est ensuite accompagnée d’une sensibilisation à la conservation de ces vestiges. Les déplacements se font en jeep et les maires ou directeurs d’école mettent pour les nuits une salle de classe à leur disposition. C’est rudimentaire mais efficace.
Une analyse iconographique minutieuse a permis de situer ces œuvres entre le IXe et le XVIe siècle et de les attribuer à la culture Chicha. D’après leur localisation, celles-ci semblent avoir principalement servi à baliser d’anciennes routes caravanières et les sujets traités reflètent l’importance de ce trafic dès l’époque préhispanique.
La travail effectué par Françoise et son équipe est reconnu, apprécié et soutenu par les différentes instances scientifiques dont la Société des Américanistes de Belgique, le SPP (Service public de programmation de la Politique scientifique fédérale) et les Musées royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles où elle a travaillé pendant plusieurs années.
Dominique Vautier