Association du patrimoine artistique asbl

JACQUES STERNBERG

Jacques Sternberg (1923-2006)

Ses collages et les dessins d’humour noir de ses amis

commissaire : Dominique Vautier


du 2 octobre au 1er novembre 2014

à l'espace d'exposition de l'ASSOCIATION DU PATRIMOINE ARTISTIQUE

Parti de rien, je ne suis arrivé nulle part, écrivait Jacques Sternberg. Né à Anvers, attiré par Paris à vingt-cinq ans, il s’y est battu pour faire publier ses premiers romans, y a finalement vécu toute sa vie et y a mené une carrière d’écrivain.

Auteur de contes brefs, de romans et journaliste, Sternberg est moins connu pour ses photomontages et collages. Quand il était jeune, les albums de gravures qu’il feuilletait, le faisait rêver. Après la guerre, ayant traversé les atrocités de celle-ci, découper ces vieilles estampes ne représentait plus à ses yeux un sacrilège. Il s’y est prêté avec d’autant plus de volupté que ce travail lui permettait de créer ces rencontres de rêve ou de cauchemar qu’il n’a eu de cesse de suggérer dans ses écrits. Ce sont ces collages, appartenant à une collection privée belge, que nous exposons. Réalisés à partir de gravures du XIXe découpées, dont les éléments sont juxtaposés et collés, ces créations nous emportent dans un monde irréel, poétique et absurde, où les hommes et les femmes sont absorbés par des tâches individuelles ou collectives dans des lieux décalés. Qu’il s’agisse d’une forêt tropicale, d’une mer déchaînée ou même d’un environnement urbain imaginaire, ces compositions sont troublantes par leur constante note d’insolite. Parfois, le simple fait d’introduire des éléments à des échelles totalement différentes suffit à produire cet effet d’inattendu.

Une autre partie de l’exposition témoigne de l’intérêt de Sternberg pour les dessins d’humour noir et des nombreux articles qu’il leur a consacrés. Après avoir découvert les dessinateurs d’humour anglo-saxons tels que Ronald Searle (1920-2011), Virgil Partch (1916-84), Saul Steinberg (1914-99), Charles Addams (1912-88)… publiés dans The New Yorker, Sternberg s’est tout naturellement tourné vers leurs homologues français ou étrangers venus comme lui pour être édité à Paris. Tandis qu’il écrit dans différents journaux et revues tels que Plexus, Arts, France Observateur, L'Express, Le Magazine Littéraire, France-Soir et Hara-Kiri, Sternberg introduit les dessins d’humour de ses amis dans ses articles. Il collabore activement aux nombreux volumes d’anthologies Chefs-d’œuvres de Planète sélectionnant textes et illustrations de 1964 à 1970. On lui doit les Chefs-d’œuvres de l’érotisme et du sourire (1964), du crime (1965), de l’amour sensuel et du rire (1966), du fantastique, de la bande dessinée (1967), du dessin d’humour et de notre enfance (1968), de l’épouvante, de la méchanceté et du rêve(1969), de la science-fiction et de l'humour noir (1970). Pour plusieurs de ces dessinateurs, Sternberg fut le premier à remarquer leur talent, à les encourager et à faire leur biographie sous forme de portrait. Il rédigera aussi les introductions de leurs publications personnelles et introduira certains d'entre eux dans le milieu artistique parisien, comme ce fut notamment le cas pour Roland Topor.

Nous avons, par bonheur, retrouvé dans le bureau de Jacques Sternberg un carton réunissant un grand nombre de dessins originaux d’artistes français et étrangers. En les rassemblant par thème et en les faisant dialoguer avec des extraits de textes de Sternberg, nous plongeons dans l’humeur et l’humour de l’auteur. Témoignage inattendu d’une époque, d’une France des années 60-70, dont on se prend aujourd’hui à regretter l’esprit décapant. Échos du goût de Sternberg pour l’absurde, son dégoût de l’humain, son refus de la société moderne, de horreur de la guerre et des absurdités qu’elle entraîne, sa sempiternelle peur de la mort mais aussi son éternelle passion de la femme…

Parmi les biographies de ces dessinateurs oubliés ou illustres, nous en avons réuni quelques-unes accompagnées de quelques dessins d’humour noir, absurde ou grinçant. A côté des plus connus tels que Maurice Henry, Testu Chaval, Mose, Jean Gourmelin, Bosc, Siné, Fred, Sempé, Wolinski, Folon , Reiser, Topor, Copi, Tomi Ungerer, Desclozeaux et Picha, on redécouvrira quantité d’autres dessinateurs tels que Richard Aeschlimann, Agnese, Allary, Arroyo, Baptiste, Beck, Blachon, Bonnot, Richard Cerf, Cohen, Colos, Coureuil, Bernard Cretin, Culot, f. de Constantin, Doh, Michel Douay, Ekler, Esspé, Favard, Fliar, Flora, Jean Fournier, André François, Garrance, Jacq O., Joël, Roland Kat, Khanh, Lakaz, Jean-Luc Lardelli, Jean Lauthe, Laville, Pierre Le Colas, Jean Margat, Mignard, Miot, Molines, Bernard Moro, Nitka, Jacques Noël, Otero, Patlan, Philippe, Prad, Puig Rosado, Pym, Ribot, Solo, Toupet, Trez, Vasco, Vip, Vitold, Wantz, Wiot, Hans Wühr, Ylipe, Zim…

Lors de la présente exposition, plusieurs interviews de Sternberg et le film Je t’aime, je t’aime (1968) de Resnais, dont il fut le scénariste, seront montrés.

Dominique Vautier

Avec la complicité des librairies Tropismes, Passaporta, Cook and Book, Filigranes, Quartiers Latins, Libris et A livre ouvert.

liste des livres de Jacques Sternberg actuellement dans le commerce avec les noms des éditeurs

Hommage audessin d'humour des années 1950 - 1960 dont l'écrivainJacques Sternbergs'est fait le défenseur précoce et le commentateur enthousiaste. L'exposition confronteles textes décapants de l'écrivain et les dessins de nombreux dessinateurs devenus connus ou restés méconnus. Cet art nous est apparu avec toute sa fraîcheur et sa liberté de ton comme une chose devenu rare dans le climat actuel dominé pas le politiquement correct. Nous ne réalisions pas alors à quel point ce mode d'expression est menacé. Les événements tragiques du début de l'année en ont fait la cruelle démonstration. Après avoir enchanté les visiteurs, cette belle exposition aurait pu figurer dans d'autres lieux d'exposition en Belgique ou en France. Mais sa reprise par d'autres lieux a rencontré l'extrême prudence de leur directeur ou conservateur. Et finalement la Mairie de Trouville l'a accueillie au printemps 2016...

http://www.iconovox.com/blog/2014/09/11/un-hommage-a-jacques-sternberg