Association du patrimoine artistique asbl

Œuvres de Rainer Tappeser à l'Association du Patrimoine artistique

La saison 2014-2015

Voici six ans déjà que nous nous occupons de cet espace d'exposition. On nous pose bien souvent des questions. Vous ne vendez pas ? Mais alors, comment faites-vous? Les artistes vivants que nous exposons peuvent évidemment vendre leurs œuvres, et tant mieux pour eux. Nous nous contentons de les montrer et de partager notre enthousiasme.

Dissocier l'art et l'argent, c'est peut être commencer à s'ouvrir à l'art pour lui-même, et c'est certainement entrer en contact avec les vrais amateurs. Pour les expositions d’art ancien basées sur des prêts de collectionneurs privés, ceux-ci nous parlent avec d'autant plus de confiance du contenu de leur collection qu'ils savent que nous ne nous occupons pas de commerce. Dans le cas de ces expositions, un petit droit d'entrée est perçu qui permet de payer les assurances. Nous avons d'ailleurs découvert ainsi qu'il nous faut renoncer à exposer des œuvres anciennes ou modernes atteignant des valeurs d'assurance très élevées et nous obligeant à nous équiper d'alarmes sophistiquées. Faut-il s'en plaindre? Nous ne cherchons pas à intéresser des investisseurs. Laissons aussi aux musées les grandes expositions ou les consécrations, il y a bien assez d'œuvres anciennes ou actuelles à faire apprécier et redécouvrir, qui échappent heureusement aux enchères fiévreuses du marché de l'art.

Et dans l'art actuel, quelle est votre ligne ?, nous demande-t-on. Laissons les lignes aux trams ou à ceux qui doivent concevoir et faire vendre des voitures. L'art mérite mieux. Nous naviguons le plus souvent à l'intuition et au bon hasard des rencontres. Dans les musées, le visiteur ne rencontre que des gardiens, les conservateurs sont dans leur bureau ou en voyage. Nous accueillons nos visiteurs, nous parlons avec eux, parfois si la conversation se prolonge, nous ouvrons une bouteille. Ces rencontres nous font souvent découvrir des oeuvres anciennes qu'ils possèdent, ou des artistes actuels qui les enthousiasment. Il n'est pas rare que le programme de l'année suivante découle de ces rencontres.

Au temps où nous concevions des expositions pour des musées ou lieux d'exposition en Belgique et à l'étranger, on nous disait : notre programme est établi pour les trois ou cinq ans à venir. Nous avançons sans trop anticiper, en mettant un pas devant l'autre, bousculant parfois ce qui était prévu. Le lieu ne nous coûte rien, nous sommes une petite équipe enthousiaste qui se mobilise pour l’accrochage et les transports quand ce n'est pas l'artiste lui-même qui s'en occupe avec notre aide.

Cette année, nous avons ouvert une nouvelle expositionAutour de l'Impressionnisme, qui a montré pour la quatrième fois une quarantaine de tableaux de la période 1870-1914. Ces expositions attirent jusqu'à 70visiteurs par jour.A chacune d'elles sont réunis des œuvres provenant uniquement de collections privées belges et étrangères.


Notre saison a débuté en septembre par une exposition sur Le dessin d'humour des années 1950 - 1960 dont l'écrivain Jacques Sternberg s'est fait le défenseur précoce et le commentateur enthousiaste. Elle confrontait les textes décapants de l'écrivain et les dessins de nombreux dessinateurs devenus connus ou restés méconnus. Cet art nous est apparu avec toute sa fraîcheur et sa liberté de ton comme une chose devenu rare dans le climat actuel dominé pas le politiquement correct. Nous ne réalisions pas alors à quel point ce mode d'expression est menacé. Les événements tragiques du début de l'année en ont fait la cruelle démonstration. Après avoir enchanté les visiteurs, cette belle exposition aurait pu figurer dans d'autres lieux d'exposition en Belgique ou en France. Mais sa reprise par d'autres lieux a rencontré l'extrême prudence de leur directeur ou conservateur.

Les deux expositions de Raphaël Kettani et Rainer Tappeser qui ont suivi procédaient d'une autre réflexion face aux innombrables manifestations qui célèbrent les artistes post-mortem. Ce goût de l'art, dont nous avons fait notre métier, doit-il nécessairement nous conduire à jouer les commissaires ou les médecins légistes? Ecarter tout ce qui n'est pas étiquettable dans l'art actuel ? Organiser tardivement de grandes expositions concernant des artistes alors que la consécration leur a été refusée leur vie durant ? C'est donc cela le rôle qui nous est imparti ? Nous avons donc exposé un tout jeune artiste de 22 ans qui a fuit une école d'art pour s'exprimer comme il veut, et un autre artiste qui a accompli une carrière de franc-tireur, sans être jamais passé par les arcanes de la nomenklatura de l'art dit contemporain.

Après l'exposition Autour de l'Impressionnisme qui fut très bien annoncée par la presse, ce qui nous a valu jusqu'à 70 visiteurs par jour, l'exposition de Martine Janta et Philippe Brodzki a fait l'objet de nombreuses rencontres qui démontre qu'autour de l'adhésion à l'œuvre d'un artiste se jouent des moments d'amitié et de sociabilité.

Enfin, parallèlement à l'organisation de la foire d'art ethnique et archéologique Bruneaf, il nous a paru intéressant de montrer au public très nombreux qu'elle attire les résultats d'un travail archéologique de longue durée mené par l'archéologue Françoise Fauconnier concernant les gravures rupestres qu'on trouve dans les hauts plateaux boliviens, réalisées par la civilisation des Chichas entre le VIIIe et le XVIe siècles. Une exposition, une fois de plus très éloignée de la passion d'acquisition d'œuvres à des prix souvent ahurissants, et qui se place en dehors du désir de possession, dans le plaisir pur de retrouver l'essence de l'œuvre d'art et de la création.

Pierre Loze