Association du patrimoine artistique asbl

Impressionnistes belges inédits

du 15 février 2013 au 30 mars 2013
jeudi-vendredi-samedi de 14h30 à 18h30


L'exposition que nous présentons au public est basée principalement sur le travail de deux collectionneurs avisés qui, par une sélection sans concession, ont su réunir, en quelques décennies, des œuvres de très grande qualité. Leur intérêt s'est porté sur les précurseurs de l'impressionnisme en Belgique que sont Boulenger, Artan et Baron, mais aussi sur Agneessens, Asselbergs, Bellis, Binjé, Claus, Courtens, Frank, Van der Hecht, Heymans, Marcette, Meyers, T’Scharner, Verdyen, Verheyden et Verstraete. Par une connaissance très fine de la carrière, du talent et de la main de chacun de ces artistes, ils ont su identifier, attribuer, documenter et parfois remettre au jour, par de délicates restaurations, des œuvres d'artistes guettés par l'oubli.


Qui se souvient en effet ou qui connaît vraiment Henri Van der Hecht, Franz Binjé ou Isidore Meyers dont les paysages sont à la lisière de l’impressionnisme et rappellent à s’y méprendre les tableaux de Caillebotte et de Sisley?
Leur curiosité s'est étendue à Agneessens, peintre aux œuvres peu nombreuses, mais toujours remarquables, dont les portraits pleins de charme et de poésie évoquent à la fois Manet et Fantin-Latour. Ils ont su apprécier aussi Théodore T’Scharner dont les paysages semblent prolonger l'inspiration de la période italienne de Corot. Avec une exigence jamais prise en défaut, ils ont pu aussi découvrir et acquérir ce que des artistes un peu mieux connus comme Théodore Verstraete, Lucien Frank, Isidore Verheyden ou Jean-Baptiste Degreef ont produit de meilleur. A ce choix, nous avons pu joindre quelques œuvres majeures sélectionnées dans trois ou quatre autres collections privées, qui élargissent la compréhension du développement ultérieur de cette version typiquement belge de l'impressionnisme et permettent de dégager plus nettement le concept du "luminisme" qui en qualifie la spécificité, si différente de celle de l'impressionnisme français. C'est ainsi qu'y prend place également la figure centrale d' Emile Claus auquel nous consacrons d'ailleurs une nouvelle monographie, publiée par la "Bibliothèque de l'Image" et présentée à l'occasion de l’exposition.




Pour le grand plaisir de ceux qui, nombreux, ont apprécié au printemps 2011 l'exposition Guillaume Vogels, et grâce aux contacts noués à cette occasion avec différents collectionneurs privés, nous accueillerons donc dans nos locaux une quarantaine d'œuvres. Par cette exposition, nous entendons également rendre hommage au rôle actif de certains grands collectionneurs privés qui s'impliquent dans la conservation de ces œuvres, et entretiennent la connaissance et la compréhension des nuances de cette brillante période de l'art de notre pays, alors que l'évolution du goût et des modes actuelles pourrait en éclipser jusqu'au souvenir.

Constantin Ekonomides


Liste des tableaux exposés

ARTAN DE SAINT MARTIN Louis (1837 – 1890)
Marée basse à la Mer du Nord par temps clair

ARTAN DE SAINT MARTIN Louis (1837 – 1890)
Effet de soleil à la Mer du Nord

ASSELBERGS Alphonse (1839 – 1916)
Jeune braconnier dans la neige

ASSELBERGS Alphonse (1839 – 1916)
Printemps à Uccle

BARON Théodore (1840 – 1899)
Marine, 1879

BARON Théodore (1840 – 1899)
Automne en Campine

BELLIS Hubert (1831 – 1902)
Chrysanthèmes dans un vase chinois

BELLIS Hubert (1831 – 1902)
Nieuwport, 1890

BINJE Franz (1835 – 1900)
La ferme (Knokke)

BINJE Franz (1835 – 1900)
Paysage d’hiver (Knokke)

BINJE Franz (1835 – 1900)
La rue de Brabant à Bruxelles

CLAUS Emile (1849 – 1924)
La Tamise, 1917 (Londres)

CLAUS Emile (1849 – 1924)
Le laboureur

CLAUS Emile (1849 – 1924)
La moisson (Oogst)
COURTENS Franz (1854 – 1943)
Pêcheur de crevettes à la Mer du Nord

COURTENS Franz (1854 – 1943)
Mer du Nord, 1911

DEGREEF Jean-Baptiste (1852 – 1894)
Les moissoneurs au repos

DEGREEF Jean-Baptiste (1852 – 1894)
Le printemps

DEGREEF Jean-Baptiste (1852 – 1894)
Le bassin aux anguilles en Flandre orientale

DEGREEF Jean-Baptiste (1852 – 1894)
L’attelage

DEGREEF Jean-Baptiste (1852 – 1894)
Le verger du Rouge-Cloître

DEGREEF Jean-Baptiste (1852 – 1894)
À Auderghem, 6 juin 1881

FRANK Lucien (1857 – 1920)
Le crépuscule sur la mare

FRANK Lucien (1857 – 1920)
Les pêcheurs de crevettes

FRANK Lucien (1857 – 1920)
Le marché aux fleurs


HEYMANS Adrien-Joseph (1839 – 1921)
La drève ensoleillée

HEYMANS Adrien-Joseph (1839 – 1921)
Journée claire (le petit vacher)

HEYMANS Adrien-Joseph (1839 – 1921)
Fermière à la chaumière

HEYMANS Adrien-Joseph (1839 – 1921)
Promeneur nocturne

HOETERICKX Emile (1853 – 1923)
Élégantes dans un parc, 1896

MARCETTE Alexandre (1853 – 1929)
Effet de soleil sur la rivière

MEYERS Isidore (1839 – 1921)
La Durme par temps pluvieux

T’SCHARNER Théodore (1826 – 1906)
Crépuscule à la Mer du Nord

VANAISE Gustave (1854 – 1902)
Pêcheur dans une barque dans la Lagune de Venise

VAN DER HECHT Henri (1841 – 1901)
Les deux jardiniers

VERDYEN Eugène (1836 – 1903)
Hiver

VERHEYDEN Isidore (1846 – 1905)
Grand Large

VERHEYDEN Isidore (1846 – 1905)
Étang en été

VERHEYDEN Isidore (1846 – 1905)
Fermière à la baratte à beurre

VERSTRAETE Théodore (1851 – 1907)
La récolte des choux rouges



Impressionnisme belge ou Luminisme...

On avait voulu que la peinture serve les idées nouvelles et l'Histoire, qu'elle démontre les fruits de l'Indépendance nationale, qu'elle égale le Siècle de Rubens. Ils furent les premiers en Belgique à se détourner de ces attentes bourgeoises qui faisaient mine de s'enchanter de sujets d'histoire et n'aimaient que les piquantes petites scènes de genre, les moutons de Verboekhoven ou les portraits. On était alors dans l'école du gris, avec de sombres épisodes historiques et des salons annuels où l'ennui le disputait à la trivialité. Ils étaient jeunes au milieu du siècle, partant à l'aube pour aller travailler sur le motif et planter leur chevalet devant la mer, dans la campagne ou la forêt, délaissant les genres nobles, prenant pour principal sujet la lumière. Nous avons oublié combien tout cela était neuf et scandaleux, original et dévastateur, et contre quel conformisme ils durent se battre. Ils se groupèrent et baptisèrent leur association La Libre Esthétique.

On parle volontiers aujourd'hui d'Impressionnisme belge, mais le terme le plus approprié pour les désigner est sans doute Luminisme belge, car les procédés de vibration optique qui caractérisent l'école française et qui consistent à poser côte à côte des touches de couleurs contrastées produisant un effet à distance n'existent pas chez eux. La simple capture des effets lumineux, une touche libre, utilisant parfois les empâtements ou d'audacieux frottis leur suffisaient pour rendre les effets atmosphériques, les intempéries ou les ardeurs de l'été dont ils faisaient volontiers leurs sujets.

Constantin Ekonomidès, après avoir étudié la carrière de son compatriote Périclès Pantazis, s'est passionné pour l'ensemble de ce mouvement qui a démarré environ vers 1860 et s'est développé jusqu'en 1914, parallèlement à l'art académique et officiel des salons. Il a réalisé plusieurs expositions au musée Charlier sur les peintres de cette époque, ainsi que l'exposition Vogels tenue à l'Association en 2011. Il est un des meilleurs spécialistes de cette matière. À l'occasion de cette exposition, due à ses contacts, il présente son livre sur Emile Claus, publié à Paris, à la Bibliothèque de l'Image.

À côté de la peinture pompier, qui à toujours ses amateurs et ses marchands spécialisés, parfois très présents dans les foires d'art, le Luminisme a ses amateurs et collectionneurs passionnés. Nous avons eu la chance de découvrir une de ces collections construites par de vrais amateurs avec patience et discernement, au fil des années, et basée sur une connaissance approfondie de cette période. Ils ont bien voulu nous prêter l'essentiel de leur collection. Nous les en remercions.
Pierre Loze

Dommage ce cadre doré

Déjà, lors de notre exposition sur Vogels, nous avons entendu ces plaintes répétées. Elles appartiennent au goût de notre temps. "A quoi bon ces dorures de parvenus, ses fioritures bourgeoises et inutiles", disaient les Modernistes en 1920. Cent ans ont passé et ces idées anti-bourgeoises, qui choquaient autrefois, sont devenues la norme. Les murs blancs ne font plus "hôpital" comme on disait volontiers, les livres pourvus de reproductions en couleurs nous ont accoutumés à voir à présent les tableaux sur fond blanc, sans cadres et sans tentures de velours pourpre ou papiers peints chamarrés aux murs...

Mais sommes-nous prêts à nous contenter d'un simple baguette d'aluminium, de bois vernis ou cérusé? La rencontre avec l'œuvre doit-elle ressembler au feuilletage d'un livre? Et si ces cadres apparemment envahissants avaient bel et bien une fonction? Celle de nous faire entrer dans une longue contemplation qui éloigne la contamination du contexte, d'organiser une sorte d'effort de concentration pour se vouer exclusivement à l'œuvre? Souvent, ces dorures isolent la peinture, créent autour d'elle une sorte de vibration lumineuse étouffée, et si le peintre a réussi à capter et à restituer un effet lumineux, son œuvre domine victorieusement ce phénomène, révélant ainsi sa force.

Les Anciens avaient des notions d'optique et de perception qui valent la peine d'être revisitées. Les cadres dorés font partie de ces traditions.

Une fois qu'on s'y intéresse l'histoire des cadres devient d'ailleurs passionnante. On peut reconnaître l'époque d'un cadre néo-classique, Louis-Philippe ou Second Empire, ou les cadres Art Déco : tous ont leur caractère. Les cadres XVIIème étaient volontiers somptueux pour la peinture religieuse, et parfois servaient à organiser la transition avec l'espace architectural. Les cadres noirs incrustés d'écaille semblaient adaptés à certains genres. On les trouvait dans la pénombre les cabinets de curiosité, encadrant des petits tableaux flamands aux couleurs brillantes, comme celles des bijoux ou orfèvreries qu'ils avoisinaient.


Pierre Loze